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Messe de minuit, homélie du P. Abbé Vladimir

« Voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire »
Chers Frères et Sœurs,
En ces temps de grande incertitude, dans cette nuit paisible, contemplons avec les yeux du cœur ce nouveau-né. Car la Parole en se faisant chair s’est donnée à voir. Contemplons là en remontant les siècles. Nous sommes dans les années 1560 – 1570 au monastère cistercien de la Sainte Trinité fondée une dizaine d’année auparavant en Toscane à Cortona. Sœur Véronique, Veronica comme ont dit en italien a un comportement pour le moins étrange. On était pourtant plein d’espoir lors de son entrée dans cette nouvelle communauté. Après tout, c’est une Laparelli, l’une des familles les plus nobles et les plus riches de cette petite ville et elle a reçu une excellente éducation en vue du mariage auquel ses parents la destinaient. Mais comme elle a refusé avec obstination de se marier, elle refuse maintenant avec tout autant d’obstination d’exercer la moindre charge dans le monastère se contentant des travaux les plus humbles. Parmi ces tâches, il y a celle de faire la crèche du monastère pour Noël.
Et voici que pendant plusieurs années, en particulier le jour de Noël ou le 2 février pour la fête de la Présentation, Sœur Veronica tient caché dans son scapulaire de manière à ce que personne ne le voit une présence mystérieuse dont on dit qu’il s’agit de l’Enfant Jésus. Bien des années plus tard, son abbesse témoignera que certaines sœurs ont vu la forme de l’enfant caché dans le scapulaire mais Lui, elles ne l’ont pas vu. Mais il y a plus encore, certains jours portant cette présence mystérieuse dans son scapulaire, elle parcourt les couloirs du monastère criant à voix forte : « Amour ! Amour ! ». Une sœur témoignera plus tard que Veronica explique la raison de cela à Jésus Enfant lui disant, parlant de ses sœurs : « Certes, elles t’aiment mais si elles te voyaient tel que tu es, elles t’aimeraient d’avantage ».
Le voir tel qu’il est. Conseiller merveilleux, Dieu Fort, Prince de la Paix mais sans beauté ni éclat. Lui, Grâce de Dieu manifestée pour le salut de tous les hommes mais nouveau né vagissant. Verbe fait chair mais Parole silencieuse enveloppée de langes, Parole de Dieu vivante et efficace reposant dans une mangeoire comme le disait Guerric d’Igny un de nos pères cisterciens bien avant que la cistercienne Veronica ne le voit. Heureux sommes nous si nous accueillons cette parole dans la nuit de ce monde.
Puissions nous l’aimer d’avantage. Du jardin du monastère qui est tout en haut de la ville, Sœur Veronica peut voir, au delà de Pérouse et du lac Trasimène, Assise la ville du Saint qui inventa la crèche et dont on dit qu’il parcourait les rues répétant : « L’Amour n’est pas aimé ».
Oui, encore aujourd’hui, l’Amour n’est pas aimé.
Entre deux balayages, cette sœur, la vénérable Veronica Laparelli a un grand don. Tout ce que Cortone compte de pauvres, de blessés, de malades vient la trouver à la porte du monastère. Et elle écoute, donne ce qu’elle peut ; elle console et donne à boire l’eau du puits en demandant de réciter une prière à saint Diego, obscur saint franciscain du XV siècle dont on voit encore aujourd’hui la fresque au dessus du puits dans le monastère. Et les malades en sont guéris. Cet Enfant Dieu qu’elle porte, elle l’aime d’avantage en le servant dans tous ces pauvres et humiliés.
Chers Frères et Sœurs,
L’Amour n’est pas aimé mais en se faisant homme, Dieu s’est accommodé à notre faiblesse et nous propose de l’aimer d’avantage. Là, cette nuit et à chaque instant, dans notre voisin, notre frère, ce pauvre, cet étranger venu de l’autre bout du monde à notre porte, celui que Jésus aime et pour qui il a donné sa vie.