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Solennité de l'Assomption, homélie du P. Abbé Vladimir Gaudrat

Chers Frères et Sœurs,

À la fin des années 1880, l’imprimerie de l’Abbaye de Lérins fait paraître un livre qui est comme son chef d’œuvre, le Magnificat en 150 langues. Chaque double page de ce très beau livre comporte une traduction dans une langue différente du Magnificat ainsi que la représentation d’une fleur symbolisant une vertu de la Vierge Marie. Pour Dom Barnouin qui a rétabli la vie monastique sur notre île et qui est à l’origine de cette édition, la Vierge Marie toute Immaculée est l’exemple et le modèle de l’être humain racheté dans le Christ et ainsi la figure non seulement du moine mais de tout chrétien appelé à laisser croître en lui le Christ. Comme les Évangiles ne nous disent finalement que peu de choses de Marie, c’est d’abord en méditant le Magnificat que l’Évangéliste met sur ses lèvres que, comme l’on fait les Pères, nous pouvons le mieux nous laisser inspirer par elle.

Toute une littérature de dévotion a parlé des grandeurs de Marie mais c’est pourtant à un tout autre niveau que Marie s’exprime dans ce chant de louange qu’elle entonne pour répondre à sa cousine Elisabeth. Marie chante ce renversement qu’expriment les béatitudes en annonçant que tous les âges la diront bienheureuse, non à cause d’une supposée grandeur mais à cause de son humilité. Et son humilité lui permet de chanter en premier en s’oubliant elle même le Dieu sauveur, puissant et miséricordieux qui s’est souvenu de son amour non seulement envers elle mais envers tous. Marie est comme une échelle vivante de l’humilité, celle qui apparut en songe au saint patriarche Jacob et où les anges qui montent et descendent ne signifient pas autre chose que l’on descend par l’élèvement et que l’on monte par l’humilité. C’est ainsi que membre du petit reste d’Israël, de ce peuple pauvre et petit qu’avait annoncé le prophète Sophonie, elle peut chanter : « Il renverse les puissants de leur trône, il élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides ». C’est parce qu’elle est la plus belle fleur du peuple des pauvres, des petits, des faibles, des affligés, des doux et puisque sans péché, il n’y a rien en elle de hautain, d’orgueilleux, de violent, de cupide et de riche qu’elle peut chanter en toute vérité que le Seigneur s’est penché sur son humble servante et qu’il a fait pour elle des merveilles. Et cette humilité parfaite nous fait entrevoir ce que serait l’humanité sans la blessure du péché.

Chers Frères et Sœurs,
Si seul le Christ est pour nous la voie et la patrie, le chemin au désert et la terre promise, nous pouvons contempler aujourd’hui en Marie la première de tous les sauvés, la seule qui totalement unifiée est dans la gloire de Dieu avec son corps et son âme. Mais nous devons le faire en conservant un œil dans l’humilité et un œil dans la gloire. L’œil dans l’humilité nous fait grandir au présent dans la foi et la charité tandis que l’œil dans la gloire en nous révélant ce que le Seigneur a préparé pour ceux qui l’aiment nous établit avec fermeté dans l’espérance.
Les cisterciens ont aimé contempler l’image de Marie abritant sous son manteau toute l’humanité. Si elle est proche de tout homme comme elle le fut à Cana, c’est à cause de son humilité qui la rend attentive. Si elle est proche des hommes dans la détresse, c’est parce que pauvre et sans rien retenir pour elle, elle était debout au pied de la Croix.
Et comme elle est mère de l’Église, demandons lui d’obtenir pour elle et pour chacun d’entre nous un peu de son humilité et de son attention aux pauvres et aux humiliés, ces vertus dérangeants mais combien convaincantes.