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24ème dimanche C, homélie de frère Marie

« Cet homme fait bon accueil aux pécheurs et ils mangent avec eux ! », voici ce qu’il nous est donné d’entendre sur Jésus. Jésus accueillant à sa table ceux qui sont réprouvés par la bonne société religieuse devient cause de scandale. Dans le milieu des pharisiens et des scribes du temps de Jésus la table est le lieu de séparation. Ceux qui se considèrent purs et justes ne peuvent prendre leur repas avec des impurs, mais cela va plus loin dans la signification de cette impossibilité de communauté de table. Ceux qui sont considérés comme pécheurs et impurs au jugement humain, ont-ils droit au salut de Dieu ? Tel est bien la teneur de nos textes aujourd’hui. Jésus se révèle beaucoup à table. Et c’est le Christ ressuscité qui nous fait sauter la barrière. L’évangéliste Luc nous raconte dans son évangile et dans les Actes des apôtres, comment le ressuscité se manifeste à ses disciples et ses apôtres dans une convivialité de table : « Nous avons mangé et bu avec lui, le ressuscité d’entre les morts » proclamera Pierre. Convivialité qui manifeste une convivialité pascale, une convivialité de salut.
Lorsque Pierre le judéo-chrétien recevra l’injonction de boire et manger chez le non-juif, le païen centurion Corneille, cela signifie le partage du salut. La résurrection fait entrer dans une dynamique de salut où l’autre n’est plus pour le croyant une menace d’impureté, mais le bénéficiaire d’un accueil illimité. Comme le dit si bien un exégète : Pâques, pour les chrétiens, est la date de naissance de la proclamation du Dieu universel.
St Paul va un peu plus loin ; voici une parole digne de foi nous dit-il, qui peut être accueillie sans réserve : « Le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs », et moi je suis le premier, ajoute-t-il, afin que ce que le Christ a fait pour moi témoigne de ce qu’il fait pour tous.
Tout ceci nous donne une première indication, c’est que pour Jésus le monde n’est pas divisé en deux ; d’un côté les pécheurs et de l’autre côté les justes. Le monde divisé en deux est un monde de haine où les uns jugent les autres, où les uns méprisent les autres. Jésus ne regarde ni à l’apparence religieuse, ni à l’apparence morale, ni à l’apparence sociale, ni à l’appartenance ethnique. Jésus regarde dans l’homme, la femme, en chacun de nous ce qu’il y a de plus profond, de plus déterminant, il regarde cette image de Dieu qui nous habite tous et qui nous pose dans l’existence en enfants de Dieu. Cette image seul Jésus peut la percevoir en nous, même lorsqu’elle est désorientée alors qu’à nos regards humains elle semble absente, inconnue. Cette image seul Jésus peut l’attirer et lui donner vie, et les paraboles laissent le temps de Dieu agir.
Au fond de sa détresse le fils prodigue est revenu vers le cœur de lui-même comme à tâtons, la mémoire lui revient qu’il avait une maison et un père. A travers la parabole ce Père est celui qui préside à toute vie et qui ne peut se manifester que dans l’établissement d’une communion. Dans une quête mal assurée ce fils prodigue commence un chemin de conversion mais en se donnant à lui-même comme le prix à payer de ses déviances, celui de ne plus être appelé fils. Là où la parabole fait tout basculer et fait certainement grincer les dents des convives qui écoutent Jésus, c’est que sans aucun jugement le regard du père aimant et compatissant va accueillir ce prodigue et le recouvrir de sa dignité de fils, tout comme lorsque du baptême nous sommes recouverts du Christ.
Un fil rouge traverse nos trois paraboles de ce jour, que ce soit la brebis perdue de laquelle le maître va se mettre en quête et se soucier, la pièce que la femme perd et qui allume une lampe et balaye sa maison pour la retrouver, le fils prodigue accueilli dans un amour inconditionnel, ce fil rouge qui est appel à partager la joie des retrouvailles, cette joie qui se manifeste autour d’une même table. Partager cette joie de Dieu parce que ce qui était perdu a été retrouvé, ce qui était mort est revenu à la vie. Combien cela nous interpelle au cœur même de notre dénomination de chrétien ou d’Eglise du Christ, comment avec le Ressuscité faire tomber la barrière entre les bienvenus et les malvenus. Y a-t-il un mérite à être sauvé ou à n’être pas sauvé ? Ou plus simplement partageons-nous la joie de quelqu’un qui trouve la lumière de Dieu, le goût de son bonheur, sans juger du label de sa provenance ?