Solennité de Saint Honorat, homélie du P. Abbé Vladimir
Chers Frères et Sœurs
Nous voici réunis en ce jour pour célébrer dans la joie celui qui est comme la figure emblématique de la vie monastique pour les générations de moines qui ont vécues sur cette île. Au fil des siècles, les moines vivant sur cette île ont toujours pris exemple sur sa sainteté. Il ne fait pourtant aucun doute que ceux-ci dans le cours du temps ont eu de sa sainteté des visions différentes. Autre est la vision des moines bénédictins médiévaux procédant à diverses réécritures de la vie d’Honorat, autres celle des bénédictins de la Congrégation Sainte Justine de Padoue qui au début du seizième siècle ont pour programme de réforme monastique d’unir l’Évangile à Cicéron, c’est à dire à la culture antique et qui vont éditer la vie d’Honorat par Hilaire d’Arles et d’autres textes du monachisme lérinien primitif. Autre aussi la vision que pouvait avoir d’Honorat, Dom Barnouin qui fut le premier abbé cistercien de ce monastère au XIX siècle et la vision que nous pouvons en avoir aujourd’hui.
Mais ce qui est important et traverse les siècles, c’est qu’Honorat aujourd’hui comme hier est pour nous un exemple et un soutien pour marcher à la suite du Christ, l’attendre, le servir, le désirer. « Soyons comme des gens qui attendent leur maître à son retour des noces, pour lui ouvrir dès qu’il arrivera et frappera à la porte ». Saint Honorat n’est là que pour nous conduire au Christ. La sainteté, c’est la communion avec le Christ et Honorat est en cela un modèle et un guide, lui en qui l’amour du Christ l’a emporté dès la jeunesse. Dès sa jeunesse comme le dit Hilaire : « il a gardé intacte pour le Christ la liberté acquise par la grâce du Christ ». Dans la vie d’Honorat par Hilaire d’Arles qui est le texte le plus ancien que nous possédons sur lui, il n’y a pas de nom qui revienne plus souvent que celui du Christ. Sa vie tout entière est conduite par le Christ et manifeste l’amour du Christ. Chez Honorat, comme chez chacun d’entre nous, il y a comme une double direction dans cet amour. Lorsqu’Hilaire nous dit qu’en lui, « c’est le désir et l’amour du Christ qui l’ont emporté », nous pouvons le comprendre d’une double manière. D’une part, c’est la grâce du Christ et son amour qui nous libère comme ils ont libéré Honorat et c’est un don à recevoir que de se savoir aimé. Comme le dit encore Hilaire, c’est « le Christ qui élève Honorat jusqu’à lui », et c’est à partir de ce don que toute sa vie se construit. Nous ne sommes pas Honorat mais efforçons nous de regarder notre vie comme un don, comme une preuve de l’amour du Christ, un amour à accueillir et dont nous témoignons en le manifestant. L’autre mouvement est l’amour qu’Honorat a pour le Christ, amour actif qui ne demande qu’à grandir durant toute sa vie à tel point que vers la fin de sa vie, il répétait son nom dans son sommeil. Cet amour coïncide pour lui avec l’amour du désert. Bruler de l’amour du Christ, c’est pour lui bruler de l’amour du désert. Quelle que soit notre vocation, cela nous montre qu’il n’y a pas d’amour véritable de Dieu sans choix et donc sans renoncement. Et pour nous, qui sommes les disciples d’Honorat, cela nous montre clairement que pour avoir le Christ pour trésor, il nous faut renoncer à tout ce qui n’est pas lui. Et c’est ainsi que nous voyons notre Honorat renoncer à sa famille, à ses biens pour s’établir sur ce désert insulaire. Mais bruler de l’amour du Christ, c’est aussi pour lui bruler de l’amour des hommes, les frères de sa communauté pour lesquelles il se montre un pasteur attentif à chacun, les hôtes et les pauvres qu’il reçoit et secourt, les chrétiens du diocèse d’Arles qui étaient divisés et qu’il va faire renaitre à la communion de l’amour. Comme le dit la lettre aux hébreux : « Que demeure l’amour fraternel ! N’oublions pas l’hospitalité : elle a permis à certains, sans le savoir, de recevoir chez eux des anges. Souvenons-nous de ceux qui sont en prison, comme si nous étions prisonniers avec eux. Souvenons-vous de ceux qui sont maltraités, car nous aussi, nous avons un corps ».
Chers Frères et Sœurs,
La vie chrétienne, la vie monastique, ce n’est pas une identité, c’est une réponse à l’amour du Christ qui nous élève sans cesse en nous permettant de nous dépasser et d’aller comme au delà de nous-mêmes.
Qu’en ce jour notre joie soit parfaite et que nous grandissions dans l’amour de tous les hommes sans restriction comme Honorat qui accueillait des hommes de toute origine dans sa commuanuté.