5ème dimanche C, homélie de frère Marie
Chers frères et sœurs, c’est Jésus au cœur de notre foi qui nous rassemble, et c’est lui qui nous parle. Dans l’évangile de ce jour l’évangéliste Luc met en scène ce mystère : toute ces foules qui pressent Jésus au bord du lac n’ont qu’une attente, écouter la parole de Dieu. Dans bien d’autres passages les foules pressent Jésus pour le toucher ou pour qu’il guérisse toutes sortes d’infirmités. Luc nous dit ici : la foule se pressait autour de Jésus pour écouter la parole de Dieu.
Nous ne connaissons pas la parole de Dieu directement, elle nous atteint par le biais d’une médiation. C’est sur cette médiation que se fonde toute la tradition biblique et le mystère de l’Eglise. « A bien des reprises et de bien des manières, Dieu, dans le passé, a parlé à nos pères par les prophètes ; mais à la fin, en ces jours où nous sommes, il nous a parlé par son Fils qu’il a établi héritier de toutes choses et par qui il a créé les mondes », nous dit l’épître aux Hébreux. La parole de Dieu est parole de Dieu et parole d’homme. Le Christ Jésus est la pierre angulaire qui unit en lui Dieu et l’homme, sur lui repose la promesse de Dieu, l’espérance et la vie. St Paul nous en rappelle le fondement : « Je vous rappelle la Bonne Nouvelle…Avant tout, je vous ai transmis ceci, que j’ai moi-même reçu : le Christ est mort pour nos péchés conformément aux Écritures, et il fut mis au tombeau ; il est ressuscité le troisième jour conformément aux Écritures, il est apparu à Pierre, puis aux Douze. »
C’est par le passage de la mort à la vie que la parole de Dieu nous fait expérimenter la présence de Dieu lui-même au cœur de notre vie. Une présence qui s’exprime en promesse vivante et dans le don de l’espérance, œuvre de l’Esprit Saint. C’est à cette parole de Dieu qu’aspire les foules qui pressent Jésus. Cependant le récit évangélique nous fait comprendre que si Jésus est la source, il ne veut pas en être l’unique messager, il veut nous associer à la médiatisation de la bonne nouvelle. Non seulement Dieu réside dans sa Parole mais il intègre celui qui l’écoute, qui l’accueille, dans la communication. Ceux qui écoutent Jésus deviennent auditeurs et porteurs d’une parole qui n’est pas seulement une vie à espérer, mais une parole qui suscite en nous une vie nouvelle. La parole de Dieu, telle qu’elle se manifeste en Jésus, a le pouvoir de détruire en nous les œuvres de mort et de péché et faire germer une vie nouvelle, celle de Dieu même. Nous vivons sous le régime de la grâce : « Ce que je suis, nous dit St Paul, je le suis par la grâce de Dieu et sa grâce, venant en moi, n’a pas été stérile. »
Jésus commence par appeler Pierre et ses compagnons, pour être les premiers porteurs et médiateurs de cette grâce ; ils le seront avec la conscience de leur faiblesse, car ce qu’ils ont reçu, leur mission, ils l’ont reçu par grâce au service de l’humanité. Cette grâce suscite l’acte de foi, un acte de foi qui est déstabilisant, mais qui ouvre une vie. C’est l’expérience que fait Pierre. Lorsque Jésus l’invite à jeter les filets, à une heure improbable, après une nuit infructueuse, il lui répond tout de même : « Sur ta parole je vais jeter les filets », tel est le premier acte de foi de Pierre envers Jésus. Foi en cette parole qui transforme en vie foisonnante ce qui semblait mort et stérile. Cet acte de foi va se transformer en appel, en vocation disons-nous couramment. Pour nous aussi l’acte de foi est déstabilisant, la parole de Dieu nous déstabilise, elle nous fait souvent dire : « J’ai déjà peiné toute la nuit sans rien prendre », mais comme Pierre nous devons oser jeter les filets, avancer en eau profonde, comme si on se jetait nous-même à l’eau. Comme Pierre le foisonnement de vie fait prendre conscience de l’immensité de la grâce et par là-même de notre condition humaine bien imparfaite, pècheresse disons-nous. C’est alors que Jésus nous dit : « Ne crains pas », je suis venu pour que tu aies la vie, pour que tous aient la vie. Le filet de la parole de Dieu ne t’emprisonne pas, il te libère. Le filet de la parole de Dieu n'agît pas comme le filet du chasseur. Le filet de la Parole de Dieu ne fait de nous une proie, mais un don, un don pour nous même et pour le monde. Le filet de la parole de Dieu tisse des liens que nous appelés à entretenir et aussi à renouer. C’est ce mystère que nous sommes appelés en Eglise à vivre et sans cesse approfondir pour contredire les germes de mort qui peuvent s’y manifester et lui conserver sa beauté qui tient sur l’unique grâce du Christ.