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24ème dimanche B, homélie de Frère Marie

Is 50, 5-9 ; Ps 114 ; Jc 2, 14-18 ; Mc 8, 27-35

Chaque dimanche nous célébrons le mystère Pascal, au cœur de notre foi. Ce mystère pascal qui nous plonge dans la vie du Christ lui-même. Et cependant la question nous est toujours posée : « Pour vous qui suis-je ? ». Avec Pierre nous répondons : « Tu es le Christ ! ».
Et voici que brusquement Jésus se présente comme étant le Fils de l’homme, dans l’humilité et l’abaissement le plus profond, la dérision et la mort. Il n’avait plus apparence humaine nous dit le prophète Isaïe. Certes il nous annonce la Résurrection mais à travers ce qui nous semble si absurde. Du coup comment comprenons nous Dieu ? Comment comprenons nous le Christ ?
Dans toute la tradition messianique le titre de Fils de l’homme représente un Messie glorieux, ce titre est attaché à l’avènement glorieux du Règne de Dieu sur cette terre et au jugement. C’est bien ainsi que le comprennent Pierre et les disciples, et c’est bien ainsi que nous même aimerions bien le comprendre, un Messie qui va enfin effacer tous les impies et les iniquités de la terre.
Comment la vie glorieuse pourrait-elle surgir de ce qui, à vue humaine, n’est qu’un échec, une mort infâme sur une croix. L’inacceptable, l’incompréhensible, le scandale, telle est la réaction de Pierre, des disciples, notre réaction. C’est bien pourtant à travers ce scandale qui nous dépasse que s’opère l’œuvre de rédemption de l’humanité. L’apôtre Paul nous le rappelle bien : « Nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les nations païennes, mais pour ceux que Dieu appelle, qu’ils soient Juifs ou Grecs, ce Messie, Christ, est puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes et ce qui faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes ». 1 Co 1, 22ss
Nous avons bien du mal à percevoir que là se donne l’amour de Dieu en plénitude. Cet amour que nous sommes invités à recevoir et contempler au long de notre vie, car nos mots, nos théories seront toujours bien faibles ou en-deçà pour en pénétrer la profondeur vivifiante de l’amour divin. Porter sa croix comme nous y invite Jésus à sa suite, n’est pas une affaire de dolorisme, mais c’est plutôt nous laisser envelopper au cœur même de nos faiblesses par cette présence victorieuse et aimante qui nous ouvre de nouveaux chemins de vie, qui nous fait renaître à notre liberté d’enfants de Dieu.
Ce scandale à vue humaine va rejoindre au plus profond la situation de tant d’hommes et de femmes et bien souvent la nôtre quand la souffrance, l’échec, la désillusion rendent le sens de la vie humaine si absurde, sans horizons. Jésus est allé au-devant de la mort, de toutes ces souffrances, parce qu’il a voulu venir jusqu’à nous, être avec nous. Dieu n’est pas saisissable, mais il a voulu se planter au cœur de notre monde qu’il avait créé, ce monde marqué par l’histoire de l’égoïsme de l’homme et de son aveugle liberté. Cependant le cœur humain reste marqué par ce désir secret du bonheur. Ce bonheur dont on ne sait par quel bout le prendre, ce bonheur entaché par ce suprême adversaire de l’homme qu’est la mort, qui fait tout dévier. C’est bien au cœur de ce qui semble anéantir la vie, de ce qui semble la vider de toute logique que se manifeste dans toute son ampleur l’intervention de Dieu dans nos vies.
Nous pouvons comprendre la réaction indignée de Pierre, elle nous rejoint. Ce n’est que Dieu qui nous fait passer de la mort à la vie. Jésus, par sa vie, sa mort et sa résurrection, nous enseigne que nous sommes destinés, faits pour la transfiguration, c’est-à dire pour la gloire divine, pour la plénitude de vie. Mais cette transfiguration nous demande l’acceptation et la reconnaissance à travers nos vies de la défiguration du Crucifié qui traverse tant de visages de nos frères et sœurs en humanité. Notre foi en Christ s’authentifie dans une solidarité avec l’humanité au cœur même de ses ombres et de ses espérances. Dieu ne nous fait pas vivre sur un rêve de puissance, ni dans le meilleur des mondes, mais il nous conduit au cœur de notre réalité, et au cœur de notre liberté, là où se choisit le bien ou le mal, l’amour ou la haine, là où sa parole de vie nous rejoint. « Pour vous qui suis-je ? ». Nous découvrons, nous apprenons le Christ dans un enracinement permanent en lui, dans son amour, pour non seulement supporter le scandale de la croix, mais surtout pour manifester la puissance de sa vie.