31ème dimanche-B, homélie de frère Marie
Mc 12, 28-34 ; Dt 6, 2-6 ; Ps 17 ; He 7, 26-28
Les textes de ce dimanche abordent une grande question, fondamentale dans la vie de tout être humain ; la question de l’amour. L’amour qui peut être si mal compris ou interprété, qui peut-être aussi dévoyé.
L’amour dont veut nous parler Jésus n’est pas une idée modelable au grés des tendances, l’amour dont veut nous parler Jésus n’est pas non plus une doctrine. L’amour dont nous parle Jésus est avant tout une présence, une présence qui se manifeste et qui se donne. C’est bien pour cela, comme nous le dit la lettre aux Hébreux, que Jésus est le grand prêtre qu’il nous fallait, car il s’est offert lui-même pour nous, une fois pour toute. Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés le premier.
Dieu est vie et l’essence de la vie est l’amour qui se donne. Et cependant l’amour s’enseigne, et c’est bien ce que fait le Christ Jésus à travers sa parole, par ses gestes, par sa vie.
Lorsqu’un scribe demande à Jésus quel est le premier de tous les commandements, Jésus lui répond par les premiers termes de l’Alliance : Ecoute Israël. Ecoute l’enseignement que te prodigue l’amour divin afin de vivre heureux sur la terre, heureux avec ton Dieu, heureux avec tes frères et sœurs en humanité. La règle des moines qui se veut une mise en œuvre de l’amour divin dans une école de charité commence ainsi : Ecoute, tends l’oreille de ton cœur aux enseignements d’un Père si aimant. Oui, l’amour divin et l’amour fraternel s’apprend. D’où l’importance de sonder les Ecritures, de se nourrir des enseignements divins comme une nourriture qui nous donne le désir et l’énergie d’agir, car comme le dit si bien la lettre de Jacques : Mettez la Parole en pratique, ne vous contentez pas de l’écouter : ce serait vous faire illusion, car la parole agit comme un miroir à travers lequel nous pouvons contempler ce à quoi nous devons ressembler. Ce à quoi nous devons tendre. Ce n’est pas une image factice embellie par Photoshop, mais une image révélatrice du labeur de la parole de vérité et de vie en nous.
Comme le dit si bien St Bernard : « En se donnant Dieu se révèle et en se révélant il se donne » et l’acte de cet amour, c’est que Dieu a voulu dans la chair se faire voir dans tout ce qu’il est, se faire connaître et se communiquer. Il a voulu se lier amitié avec le genre humain. Il a voulu se révéler ainsi, en portant sur lui notre épaisseur humaine, en sorte que la parole du Christ, qui est puissance et sagesse de Dieu, soit pour nous force de salut. Le Christ époux comme le bien-aimé du Cantique des cantiques s’est laissé blesser d’amour par l’œuvre que nous sommes, aussi, comme le commente si bien Origène : « Il convient que Dieu frappe nos âmes d’une telle blessure de charité, blessure salutaire, afin que nous puissions dire nous aussi, puisque Dieu est charité ; « Je suis blessé de charité » . Sans cette blessure il nous est bien difficile de nous laisser transformer par la grâce.
L’amour de Dieu est lumière pour nos pas de vie. Aussi la première lettre de Jean nous dit : Celui qui déclare être dans la lumière et qui a de la haine contre son frère est dans les ténèbres jusqu’à maintenant. Celui qui aime son frère demeure dans la lumière, et il n’y a en lui aucune occasion de chute. Mais celui qui a de la haine contre son frère marche dans les ténèbres sans savoir où il va, parce que les ténèbres ont aveuglé ses yeux. Les actualités avec leurs mille violences, les injustices, les indifférences, les dérives narcissiques, nous abreuvent de cette haine aveuglante.
Aimer Dieu et son prochain, comme le Christ a aimé, c’est manifester cette force de salut en nous, la manifester en nous rendant présent à Dieu et présent à l’autre.
Une présence, selon ses différents modes, une présence qui sait se faire proximité de vie, de reconnaissance, par la prière, par des petits gestes ou par des actes généreux, par le souci du bien commun. Oui, l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné. Cet Esprit Saint qui nous enseigne le Christ.
Laissons le Christ habiter nos cœurs pour en manifester la présence.