Fête de la Toussaint, homélie du P. Abbé Vladimir Gaudrat
Chers Frères et Sœurs,
En ce jour, l’Église nous invite à contempler la multitude des saints. C’est ce à quoi nous invite l’Apocalypse en parlant de cette foule immense que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes les nations, tribus, peuples et langues. C’est ce que célèbre aussi la première lettre de Jean en nous disant que le bonheur, la vie, la vie véritable, celle dont parle saint Benoît dans sa règle viennent de l’amour du Père. Et tout cela est déjà commencé même si ce n’est pas encore manifeste. Voilà pourquoi le monde ne nous connaît pas car il ne connaît pas cette joie même s’il aspire lui aussi au bonheur mais à tâtons. Et pourtant nous avons en cette fête la promesse du bonheur, de la joie sans fin et sans limite puisque nous sommes tous par la miséricorde du Père appelés à la sainteté. Et pourtant nous sommes déjà bienheureux en ce jour puisque la gloire des saints, la gloire du Royaume, l’amour de Dieu est déjà présent parmi nous agissant pour la transformation du monde jusqu’à ce qu’il passe. Les saints nous désirent, ils nous attendent, ils comptent sur nous pour que cette bonne nouvelle se répandent.
Cette gloire, le monde ne la connaît pas. Il dit bienheureux les riches, ceux qui possèdent, qui accumulent jusqu’à risquer de tout détruire et il célèbre ce pseudo évangile de la prospérité et du bien être par une fête à base de citrouilles. Il dit aussi bienheureux les violents, ceux qui gagnent, ceux qui réussissent, ceux qui dominent et il a transformé la fête des vivants en une mémoire des morts. Mais, sans doute, il est aussi difficile pour nous de gravir la montagne avec Jésus, là où Dieu se révèle. Nous devons ouvrir l’oreille de notre cœur pour entendre de sa bouche non une quelconque prédication mais la loi du nouvelle du Royaume dans toute sa radicalité. Les saints sont des chrétiens radicaux. Les béatitudes que nous venons d’entendre ne sont pas des modèles que nous devrions imiter, elles nous parlent des sentiments du Christ Jésus que nous devons faire notre, chacun suivant les dons reçus. Nous ne sommes pas appelés au bonheur qui est celui des saints à cause de nos mérites mais en vertu de la grâce du pardon. Ce bonheur est à la fois déclaré, promis à tous et communiqué par le Christ qui nous sauve en donnant sa vie sur la croix. Notre gloire, notre bonheur et notre joie, c’est la croix du Christ, c’est le mystère pascal. Contemplant le Christ qui dans l’abside de cette église sourit mystérieusement en tendant les bras vers tous les hommes, nous pouvons alors unir pour conduire nos vies, la pauvreté et la persécution, l’affliction et la paix, la douceur et la pureté, la justice et la miséricorde comme autant de degrés sur cette échelle où l’on monte en descendant par l’humilité. C’est par la Croix du Christ que nous devenons bienheureux. Notre joie en ce jour, c’est de pouvoir nous présenter devant lui les mains vides, délivrés du souci de la performance, comme des pauvres que Dieu aime avec la foule immense de ceux qui ne sont ni des héros, ni des vedettes mais des petits, fils bien-aimés du Père acceptant de se laisser configurer par la Croix.