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Fête de St Honorat et profession solennelle du frère François, homélie du P. Abbé Vladimir

Cher Frère François

Dans le tropaire que nous venons de chanter, l’image du fils prodigue retournant vers le Père apparaît très clairement. Et de fait, c’est bien un tel retour que la Règle de saint Benoît nous propose dès les premières lignes de son prologue. Aujourd’hui elle t’invite à « retourner par le labeur de l’obéissance à celui dont t’avait éloigné la lâcheté de la désobéissance ».
La vie monastique comme toute vie chrétienne est un chemin à la suite du Christ. Avancer sur ce chemin n’est pas de l’ordre de la performance mais de l’ordre de l’obéissance et de l’amour. Ce chemin, cher Frère François tu l’as commencé depuis longtemps d’abord au Cameroun puis en France. Nous prions avec et pour toi pour que, par la profession monastique, tu y progresses avec toujours plus de liberté à l’exemple de nos pères dans la vie monastique. Car contrairement à ce que les mots mêmes semblent indiquer, l’obéissance à la suite du Christ est faite pour conduire à la liberté. C’est ce que montre très clairement la vie d’Honorat qui institua la vie monastique sur cette île au cinquième siècle. Nous le voyons, arrivant sur l’île qui portera plus tard son nom, rassurer ses compagnons par la chant du psaume que nous chantons dans cette église tous les soirs : « tu marcheras sur la vipère et le scorpion, tu écraseras le lion et le dragon ». Et nous dit saint Hilaire : « L’horreur de la solitude s’enfuit, la masse des serpents est vaincue ». Avec Honorat, nous sommes invités sur ce désert insulaire pour revêtir l’homme nouveau, et n’apprendre à écouter d’autre voix que celle du Christ, le bon berger. Innombrables sont les idoles qui nous appellent, nous enchainent et nous dispersent, sous les meilleurs des apparences semblables à ces serpents que saint Honorat a chassés. Soyons libres mais pour le Christ, de cette liberté que donne le service quand l’amour de Dieu et du prochain devenu parfait bannit la crainte. Oui, cher Frère François, tous ensemble, continuons à chasser les serpents, participant par la patience aux passions du Christ comme le dit saint Benoît dans sa règle. Et cela pour échapper aux autres passions, celles qui nous replient sur nous mêmes. Avançons, courrons sur la voie des commandements de Dieu dit encore le prologue de la règle car la stabilité n’est pas l’immobilité mais nous permet par l’humilité sur cette île si plate de faire l’ascension de montagnes spirituelles. Oui la vie monastique est un exode nous conduisant au Sinaï.
Les lectures que l’église nous donne pour la fête de saint Honorat nous disent que le retour vers le Père est un chemin communautaire qui passe par la vigilance et le service pour arriver à une triple communion et à une triple paix, avec Dieu, avec nos frères et avec nous même. Cette communion, nous voyons dans sa vie comment Honorat l’établit, faisant siennes les souffrances de tous, regardant comme siens les progrès et les peines, portant la plus grande attention à tous, invitant tous les hommes à se serrer sur son cœur, c’est à dire à l’amour du Christ. Hilaire d’Arles donne comme témoignage de cet amour débordant le fait que toutes les nations comptaient des habitants dans son monastère. Nous sommes ses faibles et fragiles imitateurs mais tout autant dans ce monastère que dans notre congrégation très internationale et variée, cultivons l’amour et le souci mutuel. Cette île est notre lieu et nous devons comme nos premiers pères cisterciens être de ceux qui aiment demeurer dans leur lieu. Mais ce lieu, il nous est donné de l’élargir par notre prière et notre accueil aux dimensions de notre monde qui souffre. De part ton histoire, tu as une place particulière pour répondre à cette mission que nous confie le Christ.

Cher Frère François,
Alors que tu es sur le point de t’engager, regarde notre église. Tout au fond, dans l’abside, le Christ tend ses bras sur la croix en souriant vers toute l’humanité pour la sauver et lui manifester sa miséricorde. Devant l’autel, nous avons les reliques d’Honorat lui dont Hilaire nous dit qu’ouvrant les mains et tendant les bras, il invitait tous les hommes à se serrer sur son cœur, c’est à dire à l’amour du Christ. Honorat, notre Père, cet autre Christ, ce que tu es appelé toi aussi à devenir toujours davantage par ta profession. Reçois-moi selon ta parole et je vivrai, vas tu bientôt chanter. Tu vivras d’une vie nouvelle celle du Christ chassant avec lui les serpents car comme dit saint Bernard commentant ce même verset de psaume, chasser les serpents, nous le faisons pour que « celui qui s’est fait lui-même avec toi un seul corps, te fasse devenir avec lui un seul et même Esprit ». Tu pourras ainsi avoir dans ton cœur les sentiments du Christ qui aime tous les hommes.