21 mars – Trépas de saint Benoît, fête, homélie de frère Bartomeu
Chers frères et sœurs, bien que, dans le calendrier général, saint Benoît soit fêté le 11 juillet – avec une solennité spéciale en Europe dont il est la saint Patron – dans les monastères nous avons gardé aussi la date traditionnelle depuis l’antiquité en laquelle nous faisons mémoire de son trépas. Et cette célébration nous accompagne d’une façon spéciale dans notre chemin vers la Pâque.
Dans sa mort, comme nous la reporte saint Grégoire le Grand, nous le voyons rendre le dernier souffle à l’oratoire du monastère, ayant reçu le Corps et le Sang du Seigneur, en-touré de ses disciples qui soutenaient de leurs mains ses membres affaiblis, et prononçant des paroles de prière. Tout est important : rendre le dernier souffle à l’église, ayant reçu le Corps et le Sang du Seigneur, être débout soutenu par ses disciples, mourir en priant. C’est bien là la mort d’un moine. Et la vision qu’ont eue deux frères qui n’étaient pas présents à sa mort nous parle d’une voie par laquelle Benoît, le bien-aimé de Dieu, est monté au ciel, toute illuminée de lampes innombrables, vers l’Orient (Grégoire le Grand, Dialogues II cha-pitre 37). L’Orient, d’où nous vient la lumière, a été vu par les chrétiens comme un symbole du Christ. Rappelons-nous l’antienne que nous chantons à l’approche de Noël : « Ô Orient, splendeur de la lumière éternelle, Soleil de justice, viens éclairer ceux qui se tiennent dans les ténèbres et à l’ombre de la mort. » Orient qui, alors que nous avançons vers la Pâque, se fait de plus en plus présent par la lumière croissante des jours.
C’est dans cet ensemble de signes qu’aujourd’hui nous avons écouté dans la lecture de l’évangile un morceau de la prière de Jésus lors de la dernière cène, comme déjà un avant-goût de la célébration de plus en plus proche de la Pâque. Et cette prière était un appel pressant à l’unité : « Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. »
Un appel qui trouve un écho spécial dans la Règle de saint Benoît, qu’il a écrite pour ce qu’il appelle la si puissante catégorie des cénobites, c’est-à-dire les moines qui vivent en commun, et combattent sous une règle et un abbé (Règle de saint Benoît 1,13 et 2). Et à la fin de la Règle, comme le sommet de notre vie au monastère, il nous exhorte à pratiquer avec un très ardent amour le bon zèle qui sépare des vices et mène à Dieu, et qui consiste à nous honorer mutuellement avec prévenance, à supporter avec une très grande patience les infirmités d’autrui, tant physiques que morales, à nous obéir à l’envi, à ne rechercher ce que nous jugeons utile pour nous, mais bien plutôt ce qui l’est pour autrui… C’est ainsi que nous craindrons Dieu avec amour et que nous ne préférerons absolument rien au Christ, qui nous amènera tous ensemble à la vie éternelle (Règle de saint Benoît 72). Oui, tous ensemble !
Alors nous pourrons comprendre que c’est aussi pour nous que Jésus a prié : « Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi, et qu’ils contemplent ma gloire, celle que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde. »
Avec cet idéal, à la suite de saint Benoît, portés par la prière de Jésus, attendons la sainte Pâque – comme nous y invite encore saint Benoît – avec la joie du désir spirituel (Règle de saint Benoît 49,7).