logo fond

Index de l'article

5ème dimanche de Carême – A, homélie de frère Marie

Ez 37, 12-14 ; Ps 129 ; Rm 8, 8-11 ; Jn 11, 1-45

En ce Carême si particulier que nous vivons cette année, au milieu d’un monde si perturbé par le chamboulement des repères causé par la pandémie qui sévit, je proposerai juste trois points brefs de réflexion tirés des lectures de ce 5ème dimanche de Carême.

- Le premier point : la parole du prophète, l’espérance
Le prophète Ezéchiel s’adresse à un peuple qui a tout perdu. La maîtrise de sa terre, l’orgueil de son Temple que la gloire de Dieu ne peut plus habiter, son culte, ses sacrifices, tout perdu de ce qui faisait son identité. Ce peuple est écartelé, exilé. Le peuple ressemble à un mort au tombeau. Cette mort est désolation et désespérance. « Au bord des fleuves de Babylone nous avions suspendu nos harpes, nos ennemis nous demandèrent des chansons » Ps 136. Ce Dieu reste pourtant un Dieu d’Alliance, un Dieu de vie et de renouveau. Beaucoup de croyants en ce moment sont privés de formes habituelles de culte et se sentent dépossédés, comme exilés. Et le flot de vidéos hilarantes qui fleurissent sur les réseaux sociaux ne suffisent pas à masquer le drame mondial qui se joue. Peut-être se pose-t-on la question : où donc est Dieu ? Le prophète nous dit, la présence de Dieu est à trouver autrement dans cette situation d’exil. Si le psaume 50 que nous chantons tous les jours déplace la notion du culte en affirmant que le sacrifice qui plait à Dieu est un cœur brisé, ici le prophète annonce un autre lieu de culte, un cœur renouvelé, par un souffle de vie : je mettrai en vous mon esprit et vous vivrez. Oui, le prophète annonce cette espérance qui retend les nerfs de la foi, qui redonne chair et vie à ces morts, car c’est dans leur cœur que Dieu installe sa gloire, son esprit, sa présence. « Je l’espère, dit le psaume, et j’attends sa parole, oui près du Seigneur est l’amour, près de lui abonde le rachat » Ps 129. L’espérance versée dans nos cœurs par l’Esprit de Dieu ne déçoit pas, elle est force vivifiante de Dieu et nous rend acteurs de nos vies.
- Le deuxième point : le discernement
Vous n’êtes pas sous l’emprise de la chair, dit St Paul, mais sous celle de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. St Paul ne se pose pas en moraliste, quand il parle de l’emprise de la chair il vise surtout les observances de la loi. Se réclamer d’une série de préceptes de bonne conduite religieuse ne suffit pas pour assurer son appartenance à Dieu et son salut. C’est l’Esprit du Christ qui nous fait vivre. Et l’Esprit du Christ est charité, amour de Dieu répandu en nos cœurs. Bien sûr la loi n’est pas complètement hors course. Si la loi est récusée comme chemin de salut, elle est préservée comme chemin de vie si elle est animée par le souffle de l’amour du Christ, et si elle est réajustée à sa liberté. Nous sommes donc invités à un discernement, qu’en est-il de notre attachement au Christ, et quel primat donne-t-on à la charité ? S’il me manque l’amour, dit St Paul, je ne suis rien. Comment l’Esprit du Christ mort et ressuscité pour nous, nous mène-t-il pour manifester notre liberté d’enfant de Dieu ? Et comment mettre en œuvre cette liberté dans des réalités et situations auxquelles il faut s’adapter ?
- Le troisième point : le Christ Jésus et l’action de grâce.
« Je suis la résurrection et la vie » affirme Jésus dans notre passage d’évangile. La résurrection de Lazare est le dernier des sept signes de Jésus. Le premier, aux noces de Cana annonçait tous les autres qui manifestaient que Jésus est vie. Avec le dernier signe Jésus annonce qu’il va pleinement manifester son œuvre en se dévoilant lui-même comme source de vie, victoire ultime sur la mort et ses œuvres. Le paradoxe est que son trône de gloire sera la croix. C’est de ce trône que Jésus va souffler l’Esprit, qu’il va manifester sa victoire sur la mort, à partir de ce trône il anticipe la résurrection en soufflant l’Esprit. Jésus partage et manifeste sa profonde émotion devant la mort de son ami Lazare, avec les deux sœurs et les amis il pleure, mais cependant il va affirmer ce qui nous semble paradoxal pour notre foi dans cette situation de deuil : « Père je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ».
Oui, le Christ nous déplace dans cette vision filiale, dans cette action de grâce première et anticipée. Cette action de grâce que nous tenons au cours des jours dans notre prière et nos liturgies, nous rend les témoins privilégiés du mystère profond, au cœur de notre foi, de la réalité de la vie et de l’amour de Dieu qui nous sont offerts en tout temps dans le Christ et dans l’Esprit.