19ème dimanche -A, homélie du Père Abbé Vladimir
Chers Frères et Sœurs
Le Sauveur n’est pas venu sur terre pour nous apprendre à marcher sur les eaux même si cela serait fort utile aux habitants des îles que nous sommes. Pierre doute de la présence réelle du Seigneur devant ce qui lui semble un prodige effrayant car survenant de nuit et sur la mer. Comme pour se rassurer, comme pour le forcer à se révéler, il demande à Jésus de pouvoir faire la même chose que lui, de posséder la même puissance. En lui disant : « viens », le Sauveur semble acquiescer à sa demande mais il veut en fait l’instruire et nous instruire par lui.
Tant que Pierre pense qu’il peut marcher sur les eaux comme Jésus, il est à la merci du moindre coup de vent. S’il pense et si nous pensons avec lui pouvoir être ou faire comme le Sauveur, nous allons au devant d’un échec. L’imitation de Jésus Christ, puisque ce qui est le titre d’un livre célèbre est devenu une expression presque proverbiale dans le christianisme n’est pas de l’ordre de la performance. Elle ne fait pas de nous les super héros dotés de super pouvoirs que le monde aime tant mais nous invite à répondre au même appel que Pierre en entendant la voix du Sauveur qui nous dit vient pour nous mettre à sa suite en criant : « Seigneur, sauve-nous ! ». Dans l’Évangile les guérisons et les miracles sont des signes et si la marche de Jésus sur les eaux dans la nuit est le signe de la toute-puissance du Rédempteur sur le mal, nous ne pouvons l’imiter et le suivre sur cette voie qu’en criant même si ce n’est qu’avec le cœur : « Sauve –nous ».
Chers Frères et Sœurs,
Il n’y a que deux voies. Ou bien, par la foi, nous acceptons de nous mettre humblement sur les traces de jésus et dans ce cas l’Évangile, quoi que cela puisse vouloir dire, nous promet que nous pourrons même faire des œuvres plus grandes que les siennes ou bien nous entretenons la prétention d’être ou de faire comme lui et dans ce cas, nous allons au devant du naufrage.
C’est en raison de cela que Pierre est appelé par Jésus, homme de peu de foi. Non que celle-ci puisse se mesurer ou se peser sur une balance. Saint Bernard au XII siècle commençant son commentaire du Cantique des Cantiques qui est sa grande œuvre situe la foi sur le registre de l’expérience nous invitant à bruler du désir non de connaître mais d’expérimenter. Car la foi est de l’ordre de ce lien que le prophète Élie expérimente à l’entrée de la caverne dans la brise légère. Huit siècle plus tard la plus grande romancière catholique américaine du XX siècle Flannery O’ Connor, dans son journal de prière, décrit cette même foi non comme un concept à défendre mais comme un assentiment, une adhésion venant d’une certaine expérience du plus profond de l’être.
Il est bon de connaître, il est bon de défendre mais si nous voulons crier vers le sauveur comme Pierre pour lui être indéfectiblement uni dans toutes les tempêtes de la vie , il est encore meilleur de bruler du désir que seul l’Esprit peut donner de cette expérience de communion avec le Verbe qui nous a rejoint dans l’humilité de notre chair. Vraiment il est le Fils de Dieu.