Fête des Sts Robert, Albérice et Etienne fondateurs de Cîteaux, homélie du P. Abbé Vladimir Gaudrat
Chers Frères et Sœurs,
« Voici ce que je vous commande : c’est de vous aimer les uns les autres »
Avant de quitter ses disciples, le Sauveur leur montre qu’il est le chemin, la vérité et la vie en leur donnant comme en héritage ce commandement nouveau. Il leur fait percevoir que, pour devenir ses amis, ils doivent fonder leur vie sur l’amour, dans son amour qu’il va leur donner en partage en offrant sa vie pour eux.
« Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés » dit-il aussi pou révéler l’amour du Père. En faisant de Jésus, le Verbe fait chair, l’objet de son amour, le Père révèle que celui-ci est son visage pour le monde. Et puisqu’il est le Fils, son amour pour nous est le fondement de tout ce que Dieu fait pour nous. Cet amour nous donne la possibilité de demeurer dans le Christ en demeurant dans l’amour. C’est ainsi que nous portons du fruit.
Si nous parlons de nos trois fondateurs, c’est bien ainsi que nous devons comprendre le fruit qu’ils ont porté. L’oraison de la solennité de ce jour nous dit qu’ils ont voulu revenir à la source pure de l’Évangile dans la fidélité à saint Benoît. Nos trois fondateurs ne sont d’aucune manière des fondateurs au sens moderne de ce mot, des personnages charismatiques qui rassemblent des disciples. Dans le peu que nous savons d’eux, il n’y a pas de personnages plus discrets voir mystérieux que Robert, Albéric et Etienne. Nous pouvons pourtant les voir comme les initiateurs, voire les symboles au sens profond de ce mot, de ce formidable collectif, de cette formidable équipe dont nous connaissons tant de noms, hommes et femmes qui sur deux siècles ont donné consistance à ce projet de retourner à la source pure de l’Évangile. Ils l’ont fait dans la tradition qui était la leur, celle de saint Benoît, finalement tout autant en adaptant celle-ci à leur époque qu’en revenant à ses sources. Car il y a bien de la nouveauté, celle qui accompagne toujours l’Évangile, dans le Nouveau Monastère comme on appelait Cîteaux à ses commencements.
Ce que nous invite à vivre, l’Évangile de Jean dans le passage que nous venons d’entendre, nous le retrouvons comme mis en pratique de manière très concrète dans la Charte de charité dont Etienne fit approuver en 1119 la première version. Elle commence par l’explication du nom charte de charité : « Le Seigneur Abbé Etienne et ses frères estimaient également que ce décret devait porter le nom de Charte de charité parce que sa teneur, rejetant le fardeau de toute redevance matérielle, poursuit uniquement la charité et l'utilité des âmes dans les choses divines et humaines ». La règle de saint Benoît nous dit que son auteur veut fonder une école du service du Seigneur. Nos fondateurs développeront ce thème en disant que l’école du service du Seigneur l’est vraiment en étant une école de la charité dans la réciprocité du don. Soixante ans plus tard, un autre cistercien, Baudouin de Forde dira que cette école doit être comprise comme une école de la vie commune. Cette vie commune dont le modèle qui dépasse toute compréhension purement humaine est la Trinité elle-même et qui doit être comprise comme amour de la communion et communion dans l’amour.
Alors que comme nos Pères, nous marchons dans la foi. Que cette connaissance encore obscure du Dieu Trinité qui est amour nous fasse grandir à l’écoute de nos Pères dans le désir de la communion qui nait du don de l’amour.