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St Bernard de Clairvaux, homélie de frère Marie

 

« De tout mon cœur, je te cherche ; toi, Seigneur tu es béni : apprends-moi tes commandements ». Ces versets du psaume 118, caractérisent ce qui a animé la vie de St Bernard, sa quête incessante. Il n’a eu de cesse de plonger ses racines dans le cours d’eau vivifiant des Ecritures, pour en irriguer sa vie, pour se laisser saisir par le Christ et tenter de le saisir.
St Bernard de Clairvaux, ce moine et abbé cistercien du 12ème siècle, mort le 20 août 1153 au milieu de ses frères dans son monastère de Clairvaux, a incontestablement marqué son siècle, comme maître spirituel et homme d’Eglise. St Bernard a surtout légué à l’Ordre Cistercien naissant une doctrine spirituelle qui va fortement contribuer à l’identité de cette forme de vie monastique. Une doctrine spirituelle qui cherche à retranscrire au cœur de l’homme la simplicité de l’image de Dieu, dans toute sa pureté. Cette simplicité qui se traduira concrètement à travers l’architecture, la liturgie, la forme de vie. Dans notre société actuelle, cette expérience de simplicité est une richesse à redécouvrir pour l’apaisement du cœur et de l’esprit, pour retrouver le goût de Dieu. Ce maître spirituel peut encore nous transmettre une saveur de vie évangélique, une espérance et une orientation de vie au cœur de notre monde d’aujourd’hui.
A l’occasion du neuvième centenaire de la naissance au ciel de st Bernard, le Pape Jean Paul II avait mis l’accent sur ce qu’il appelait le noyau spirituel de la doctrine de st Bernard pouvant être utile à nos contemporains ; « La voie du triple amour ».
Cette voie du triple amour, qui balise un chemin de retour vers Dieu, s’opérant à travers ce que les premiers cisterciens ont surnommé la « schola caritatis », c’est-à-dire « l’école de la charité ».
De cette unique source de l’amour de Dieu, découle la restauration de la dignité humaine, la purification de la vie personnelle, le devoir de s’aimer soi-même comme Dieu nous aime ainsi que d’aimer son prochain comme Dieu l’aime. Cette notion de dignité humaine et de dignité de toute vie, est un véritable défi aujourd’hui.
Pour st Bernard la grande source de cet amour qui rend Dieu, soi-même et l’autre aimable, est l’humilité de Dieu. Cette notion a de quoi nous toucher au cœur, dans un monde ou le modèle phare est la quête de puissance et où l’humble, le petit, le vulnérable est le perdant, celui qui gêne.
Cette humilité de Dieu s’exprime en plénitude dans l’Incarnation du Verbe de Dieu. L’Incarnation du Verbe a bouleversé la vie de Bernard. Dieu par amour pour lui, par amour pour l’homme, par amour pour chacun de nous a incliné les cieux et est descendu jusqu’à nous, mieux encore, c’est fait l’un de nous.
Ce Verbe divin qui soutient la terre, le ciel et l’univers entier, ce Verbe incommensurable, insaisissable, inconnaissable et invisible, c’est fait petit, saisissable, vulnérable, connaissable et visible, il s’est abrégé. Le Christ est ce tout petit qui rend le Royaume de Dieu présent parmi nous. « Père juste, tandis que le monde ne t’a pas connu, je t’ai connu,…je leur ai fait connaître ton nom,…afin que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux et moi en eux », nous dit Jésus.
Ce Verbe abrégé est aussi le Verbe abrégeant. Il est abrégé car il s’est fait tout petit pour ce rendre accessible à l’homme, pour faire entendre à l’homme la voix de l’amour divin, et il est abrégeant car il a tracé une voie accessible à l’homme pour se diriger vers Dieu, il est le raccourci par lequel l’homme peut sortir de l’impasse de sa quête infructueuse et désordonnée.
Pour Dieu l’homme, tout homme, est aimable jusqu’à donner sa vie pour lui. Ce faisant, Dieu se montre tel que l’homme puisse l’aimer.
C’est dans cette théologie que s’élabore la discipline de l’école de charité.
Pour st Bernard l’homme est avant tout une noble créature, une créature éminente, en qui demeure l’image de Dieu, et cette image ne peut être effacée, mais cette image est blessée.
L’homme s’est enfoncé dans la région de la dissemblance. Cependant l’homme reste toujours capable de Dieu, c’est à dire qu’en tout être humain demeure toujours un espace intérieur, une capacité où Dieu peut l’atteindre.
La grâce de la conversion est toujours possible, car même dans son péché l’homme est toujours capable de Dieu.
Voici ce qu’écrit St Bernard :
« Tout âme, même chargée de péchés, empêtrée dans le vice, collée à la boue, enfoncée dans la fange…toute âme dis-je, même en proie au désespoir, tout âme peut retrouver en elle de quoi respirer dans l’espoir de la miséricorde, mieux encore, de quoi oser aspirer aux noces du Verbe…de quoi ne pas hésiter à porter le joug de l’amour avec le Roi des anges »
L’humain est un être de désir, il désire sans cesse ce qui lui manque, et il est souvent insatisfait de ce qu’il possède déjà. Nous comprenons cela aisément nous qui sommes dans une société qui exploite à fond, de manière bien peu scrupuleuse, toutes les facettes de nos désirs.
St Bernard nous dit que le désir en l’homme, dans son fond n’est pas négatif, il est cet appel assoiffé de l’image de Dieu en lui vers la plénitude de son modèle.
Ainsi le Christ, ce Verbe abrégé et abrégeant est ce raccourci qui nous sort de ce cercle épuisant d’une quête stérile du sens de la vie, pour orienter notre désir vers la joie et la vision de Dieu.
Oui, laissons-nous redresser, orienter par le Verbe abrégé, et laissons-nous entraîner à sa suite à l’odeur de ses parfums.