14ème dimanche-C, homélie de frère Marie
Le prophète Isaïe nous invite à la joie, à l’exultation même, à la joie parce que le Seigneur Dieu a agi, il porte la paix comme un fleuve. Cette paix nous la désirons, mais dans le contexte actuel remué à nouveau par la violence des armes, par les germes de divisions et de contradictions qui affectent même l’Eglise, cela pourrait paraître incongru d’exulter dans le Seigneur. Et cependant le disciple du Christ est appelé à vivre et à témoigner de cette joie profonde de la victoire du Christ sur toutes les forces du mal, appelé à témoigner de la Paix véritable que le Christ apporte au monde. Cette joie et cette paix viennent nous chercher en profondeur. Aussi nous sommes appelés à ne pas nous endormir, ni laisser la tristesse envahir nos cœurs comme si le Christ et l’Esprit seraient absents de nos vies. Non, nous sommes appelés à ouvrir humblement nos espaces de vie à la présence et à la force vivifiante du Christ, de sa parole, à la force vivifiante de l’Esprit Saint, pour renouer avec l’infini miséricorde du Père. Nous sommes appelés à devenir porteur de cette vie nouvelle en Christ offerte au monde ; proclamer la paix, proclamer la justice, proclamer ce regard de bienveillance, d’amour et de paix que Dieu porte sur chacun de nous.
Jésus sait très bien ce que veut dire être porteur de cette Paix de Dieu. Cette Paix qui réconcilie le monde avec Dieu. Il le sait très bien car il en a traversé le drame en sa chair pour faire briller la victoire du Dieu vivant. Il est l’agneau véritable qui enlève les péchés du monde. Aussi dit-il à ses disciples : « Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. » Un ancien texte rabbinique appliquait cette métaphore à la mission d’Israël : Israël étant l’agneau qui était envoyé parmi les soixante-dix loups qu’étaient les nations païennes. Jésus déplace la métaphore lorsqu’il dira qu’il y a des loups qui s’introduisent même dans la bergerie. Le mal n’est pas toujours à l’extérieur.
Jésus désigne ce qui fait l’essence de tout apostolat, ou de toute évangélisation :
Ce n’est pas une épreuve de force, ni de pouvoirs humains, l’Evangile fait bien la lumière sur toutes les ambiguïtés des pouvoirs humains. L’apôtre Paul nous dit que sa seule fierté est la croix de notre Seigneur Jésus Christ, cette faiblesse absolue d’où jaillit l’amour vainqueur de Dieu.
L’annonce de l’Evangile ne fait pas appel à la contrainte, mais à l’écoute, à l’oreille des cœurs. Ecoute qui ne peut se faire qu’à travers le respect et la rencontre. La rencontre et l’accueil bienveillant.
Les dérives des religions se passent quand elles vont, non à la rencontre, mais à la conquête.
La première chose qu’annoncent les disciples envoyés par Jésus, c’est la paix. Ce souhait de paix n’est pas qu’un simple apaisement d’un conflit, c’est l’annonce que Dieu et là, présent. Et cette présence, par l’accueil et la rencontre devient lumière qui brille dans les cœurs.
Cette lumière qui brille dans les cœurs est la connaissance de la gloire de Dieu qui rayonne sur le visage du Christ. C’est-à-dire, la connaissance de la gloire de Dieu qui ouvre un horizon nouveau à notre humanité, qui lui confère un autre visage. Ce trésor nous le portons dans des vases d’argile, car il est l’œuvre de l’Esprit Saint qui nous ouvre à l’amour, à la justice et à la paix, tels qu’ils se manifestent par le don du Christ, l’Agneau véritable qui enlève le péché du monde. Ce n’est pas l’œuvre d’une conquête humaine, d’une loi du plus fort. C’est l’œuvre de la folie d’amour de Dieu qui s’abaisse jusqu’à nous, pour marcher avec nous au cœur des contradictions de ce monde.
Être envoyés comme des brebis au milieu des loups, c’est être porteurs de l’Evangile du Christ. Être porteurs en s’engageant sans réserve pour la justice, la paix, la sauvegarde du bien commun, et en dénonçant clairement toute forme de mal qui affecte la dignité de toute personne humaine pour qui le Christ a donné sa vie.
C’est l’Agneau qui est vainqueur et non le Loup.