Jeudi Saint, homélie du P. Abbé Vladimir
Chers Frères et Sœurs,
Nous venons d’entendre le passage de l’Évangile de Jean ou Jésus lave les pieds de ses disciples au cours de son dernier repas et qui chez lui remplace le récit de l’institution du sacrement de son corps et de son sang, que l’Église célèbre comme le sacrement de son amour. « La nuit où il était livré, le Seigneur Jésus prit du pain » comme nous le rappelle Paul. C’est en étant livré mais volontairement, en se donnant totalement que le Sauveur nous donne son amour, un amour qui nous sauve. En versant son sang, il nous a donné son amour. C’est par cet amour qui va jusqu’à la mort que le Père qui n’a jamais abandonné l’humanité manifeste sa présence et son salut jusque dans la nuit et les ténèbres. C’est dans ce don que s’accomplit tout ce qu’avaient annoncé les prophètes. Et ce qu’il fait en se donnant lui-même sans rien retenir dans l’Eucharistie, il le fait aussi de manière toute aussi radicale mais différente dans ce geste prophétique qu’est le lavement des pieds.
Ce que Jésus fait en déposant son vêtement et en se revêtant d’un linge, comme le Bon Pasteur a le pouvoir de déposer sa vie et de la reprendre, cette préfiguration de la nudité de la Croix, Pierre ne pourra le comprendre que plus tard. Mais ce geste symbolique qui engage toute la vie, ce commandement nouveau que le Seigneur nous donne, nous ne pouvons nous non plus en comprendre la profondeur que petit à petit.
Nous allons chanter en refaisant ce signe : « Là où la charité est vraie, Dieu est présent ». Dehors il y a la guerre, la violence et la haine. « Le diable a déjà mis dans le cœur de Judas, l’intention de livrer Jésus » mais Jésus aime ses disciples jusqu’au bout. « Là où la charité est vraie, Dieu est présent ». Et ce combat de l’amour et du pardon contre le mal et la haine se livre jusque dans nos cœurs pour que nous vivions pleinement de l’Esprit. Mais nous allons aussi chanter au cours de cette célébration : « Je n’irai pas te trahir par un baiser ainsi que fit Judas ». Comme Pierre va l’apprendre par son reniement, nous ne pouvons nous laver les pieds les uns les autres qu’enracinés dans la bonne terre de l’humilité. D’aimer, Dieu nous a rendu capable en nous créant et en nous recréant mais de mal aimer, de trahir en croyant aimer, comme par un baiser, nous sommes toujours tentés. Devant la difficulté à accueillir le pardon comme à nous accueillir tels que nous sommes et à nous accueillir comme frères, nous refusons le don.
Dans ce combat où nous ne sommes vainqueurs que désarmés, laissons nous conduire par l’Évangile. L’exemple que le Christ nous a donné dans le lavement des pieds qui, pour saint Bernard est le sacrement du pardon, faisons le nôtre, ligne après ligne comme pas à pas dans le récit de la Passion pour pouvoir gouter cette paix que le Sauveur nous donne en partage, non celle du monde mais la sienne. Cette paix qui nait de l’amour qui donne sa vie pour ses amis.
« Là où la charité est vraie, Dieu est présent ».