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3éme dimanche A, homélie de frère Marie

Un écrivain a sorti il y a quelque temps un livre reprenant le titre : Le guide des égarés. Une méditation sur la longue quête humaine à travers les âges, de la pensée sur le sens de notre existence.

« Je suis là, j’existe – Nous sommes là, nous existons….c’est un étonnement, une stupeur, mais c’est comme ça. »[1] Nous participons tous à cette évidence qu’est la vie. Cette vie fragile, cette vie belle ou confuse, avec ses heurs et malheurs, avec ses lumières et ses ombres. Cette vie avec son bien et son mal, ses espoirs et ses désespérances. Cette vie à laquelle nous tenons tous et qui reste cependant un mystère, cette vie qui souvent semble nous échapper entre les doigts comme du sable, tout comme d’ailleurs la course de cet univers immense dont nous faisons partie. Si nous rejoignons la réflexion de notre penseur, qui reprend le titre d’un philosophe juif du moyen-âge[2] ; nous sommes des égarés, ou du moins c’est l’impression qui nous habite quand nous essayons de déchiffrer tout ce qui agite l’humanité dans le monde qui nous entoure.

Les égarés ont besoin de sens et de lumière.

C’est ainsi que commence l’évangile de ce jour : sur les égarés que nous sommes une lumière s’est levée, une lumière a resplendi qui a prodigué la joie. Une lumière qui a jeté ses premiers rayons sur le peuple d’Israël, mais sans dévoiler tout son mystère, et maintenant lumière révélé aux nations, à l’humanité entière.

Celle lumière confère à notre vie un don précieux qui se nomme l’espérance. Car autant notre vie et notre monde demeure en soi comme un mystère qui passe, autant le mystère de Dieu ne passe pas.

Ce mystère qui ne passe pas Jésus le nomme royaume des Cieux, un autre monde qui cependant s’approche et s’installe en ce monde. L’évangéliste St Jean jouera beaucoup sur ces mots, Jésus dit : « Père saint, désormais je ne suis plus dans le monde, eux, mes disciples restent dans le monde, tandis que moi je vais à toi…ils ont reçu ta parole, ils sont à toi, ils ne sont plus du monde mais je ne te demande pas de les ôter du monde, mais de les garder du Mauvais ». Mieux encore : « Comme tu m’as envoyé, je les envoie dans le monde, afin qu’ils soient un comme nous sommes un »[3].

Et pourtant ce royaume Jésus l’instaure en passant. Nous pouvons être frappé par la dynamique de notre évangile, Jésus passe le long de la mer, tout semble aller vite, il passe, il voit Simon et André, il les appelle, ils le suivent. Il continue sa route, il passe près de Jacques et Jean, il les regarde, il les appelle, ils le suivent.

Oui, Jésus passe dans nos vies comme une lumière qui emporte tout.

Le feu de l’espérance qu’il allume dans le cœur de Simon, André, jacques et Jean, est le même feu qu’il allume dans nos cœurs, un feu qui nous fait changer de statut, nous ne sommes plus des égarés mais des pèlerins, des migrants. Il est vrai qu’en cette ‘migrance’ nous sommes souvent pris de la dance de St Guy[4]. Il faut toute la patience et la miséricorde du Christ pour nous tirer et nous relever, et les incessants gémissements de l’Esprit Saint pour nous pousser, et parfois il faut le dire, un peu malgré nous.

Jésus passe en ce monde, il est venue lumière dans d’en haut, dans le mystère de la naissance, dans le mystère de la chair, et il ressort dans le passage de la Pâque, dans la lumière de l’Esprit.

Mais Jésus ne passe pas comme le monde passe, ou comme nos vies semblent passer, non, Jésus demeure en nos vies, en nous faisant passer avec lui. Là se trouve toute la dynamique de ce royaume des Cieux auquel nous participons en tant qu’acteurs, et qui nous fait passer de la mort à la vie.

Comme le dit si bien, la 4ème prière eucharistique : « notre vie n’est plus à nous-mêmes, mais à celui qui est mort et ressuscité pour nous ». C’est lui le gage de notre vie, le gage de ce mystère qui nous habite et qui fait que nous ne sommes plus des égarés, mais des porte-parole en ce monde.

En recevant la parole d’Evangile, comme parole de vie, non seulement nous ne sommes plus des égarés, mais nous devenons à la suite des apôtres, pêcheurs d’hommes.

Pêcheurs d’hommes, en gardant présente à nos vies la vivante espérance qui nous habite et nous anime, cette vivante espérance de la folie de l’amour de Dieu qui se manifeste à nous en son Fils, qui sera lui-même pour toujours notre seul point d’unité.

Oui, Jésus passe, il nous regarde, il nous appelle, il nous met en route avec lui afin que nos vies ne soient pas stériles, que nous portions des fruits en abondance dont il est lui la vivante sève. Des fruits d’amour, de paix et d’unité, au cœur des fractures de notre humanité, de notre monde.


[1] Jean D’Ormesson, Le guide des égarés

[2] Maïmonide

[3] Jn 17

[4] Deux pas en avant, un pas en arrière