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Cène du Jeudi Saint, homélie du P. Abbé Vladimir Gaudrat

Chers Frères et sœurs

Avant la fête de la Pâque, la nuit où il était livré, au cours du repas, Jésus lave les pieds de ses disciples. Lui le Maître et le Seigneur, qui va être livré pour le prix d’un esclave, aime les siens jusqu’au bout. Il se donne avant d’être trahi. Il dépose son vêtement, prend un linge et se met à laver les pieds de ses disciples. Nous sommes peut être tellement habitués à entendre ce passage de l’Évangile que nous ne percevons plus le côté scandaleux de ce qui est décrit et qui fait réagir Pierre. Lui le Maître et Seigneur se fait semblable à un esclave. Aimer jusqu’au bout pour Jésus, ce n’est pas seulement enseigner la bonne nouvelle du royaume par ses paroles et ses gestes de guérison qui vont jusqu’à ressusciter Lazare. Aimer jusqu’au bout, ce n’est pas uniquement multiplier les pains pour rassasier la foule, ouvrir les yeux de l’aveugle et prêcher avec autorité. Aimer jusqu’au bout c’est se faire le dernier de tous en lavant les pieds comme un esclave avant de mourir sur la Croix. En lavant les pieds de ses disciples, il les invite à avoir part à son royaume dont la croix est la porte d’entrée. Pour Saint Bernard, le lavement des pieds est le sacrement du pardon parce que seul le pardon permet à l’amour de circuler.
Paul et les autres évangélistes nous disent aussi qu’au cours du même repas, Jésus institue l’Eucharistie qui est le sacrement de son amour et une autre manière de se donner jusqu’au bout, jusqu’à la consommation des siècles. « Ceci est mon corps, qui est pour vous. . . Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang ». Bien plus que le sang qui a libéré le peuple élu de l’oppression de l’Egypte, ce sang nous donne une libération définitive. En versant son sang, le Christ a versé son amour et nous recevons de lui la charité et la vie. C’est ce soir que pour les apôtres et pour nous commence la vie nouvelle.

Avec toute l’Église, nous sommes invités à faire inlassablement à la fois chaque jour mais de manière plus solennelle en ce jour ce que le Christ a fait pour nous en nous aimant jusqu’au don total de sa vie. « Vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. . . Faîtes, vous aussi, comme j’ai fait pour vous ». « Faîtes cela en mémoire de moi », non d’une mémoire tournée vers le passé mais d’une mémoire du futur, une mémoire du royaume caché qui vient et se révèle. Et c’est bien ce que nous allons faire ensemble ce soir, célébrer le pardon et la charité du Christ, les recevoir et les faire circuler entre nous et au delà jusqu’aux extrémités du monde, jusqu’aux périphéries. Il n’est pas possible de séparer l’eucharistie du lavement des pieds, le sacrement de l’humilité et du pardon de celui de l’amour. C’est ce qu’avait bien compris l’orfèvre qui réalisa le tabernacle où nous allons transférer le Saint Sacrement à la fin de cette célébration lorsqu’il représenta sur ses portes à la fois l’institution de l’Eucharistie et le lavement des pieds.

Chers Frères et Sœurs,
Cela n’est sans doute pas possible, mais comme je voudrai que ce soir, tous ensemble nous nous lavions les pieds les uns les autres, pour nous recevoir les uns des autres dans une humble charité, dans un engagement à nous servir, à nous accepter tels que nous sommes avec nos différences, nos limites, nos blessures et nos péchés pour nous aimer les uns les autres. C’est le remède aux blessures de notre Église et il commence par chacun d’entre nous qui avons tous besoins de servir et d’être servis, d’aimer et d’être aimés, de pardonner et d’être pardonnés afin de construire la communion et la fraternité.
Que ce que nous allons chanter en célébrant ce double sacrement devienne en nos cœurs réalité : « Là où la charité est vraie Dieu est présent ». Que notre prière fasse grandir l’amour en nos cœurs.