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Vendredi Saint, homélie du P. Abbé Vladimir Gaudrat

Chers Frères,

La bienheureuse Égérie qui dans les années 380 fit un pèlerinage de plusieurs années en Orient, nous raconte dans son journal, dont une partie nous est parvenue, comment les chrétiens de Jérusalem font déjà dès cette époque ce que nous allons faire cet après-midi. Elle écrit que l’évêque au matin du vendredi encourage les chrétiens en leur disant : « Reposez-vous un peu, et vers la deuxième heure du jour, soyez tous ici pour que de cette heure jusqu’à la sixième heure, vous puissiez voir le saint bois de la croix qui, chacun de nous le croit, sera utile pour notre salut ». Dès cette époque et jusqu’à aujourd’hui les chrétiens font cette chose étonnante de vénérer un instrument de torture et de voir en lui le signe du salut. C’est pourtant d’une certaine manière ce que Jean annonce déjà lorsqu’il nous dit à la fin de son récit de la Passion: « Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé ». Jésus condamné, mis en croix est le serviteur souffrant annoncé par Isaïe, le juste et l’innocent condamné que prophétisent les psaumes que nous avons chanté tout au long de cette journée, l’homme qui accomplit la loi comme l’annonce le psaume 118 que nous méditons pas à pas.
Levons les yeux de notre cœur vers celui que nous avons transpercé. De son sein coulent des fleuves d’eau vive. Nous avons en lui un grand prêtre éprouvé en toutes choses, à notre ressemblance, excepté le péché. C’est en lui qu’est notre vie et notre refuge. Il est le Dieu caché ; toute sa puissance de salut est cachée dans ses mains clouées sur le bois.

Levons nos yeux vers le crucifié. Tout près d’ici dans la vallée de la Roya à la fin du XVe
siècle, le peintre Canavesio dans la chapelle Notre Dame des Fontaines à la Brigue, à une période où l’épidémie de peste est encore menaçante, représente avec une vraie justesse spirituelle, le corps du Christ, lors de la mise en croix, couvert des pustules de la peste bubonique Sur la Croix, le Sauveur a pris sur lui tous nos maux et toutes nos amertumes pour les changer en douceur. Un peu plus de 250 ans auparavant, François d’Assise avait parlé de cela à propos du baiser au lépreux dans son testament : « Voici comment le Seigneur me donna, à moi frère François la grâce de commencer à faire pénitence. Au temps où j’étais encore dans les péchés la vue des lépreux m’était insupportable. Mais le Seigneur lui-même me conduisit parmi eux ; je les soignais de tout mon cœur ; et au retour, ce qui m’avait semblé si amer s’était changé pour moi en douceur pour l’esprit et pour le corps. »
Regardons celui que nous avons transpercé et présentons lui toutes nos souffrances et celles des hommes. Il y a le Christ pestiféré de Canavesio, le Christ lépreux de François d’Assise et de saint Damien de Veuster. Il y a celui que le Père Timothy Radcliffe appelle la Pieta du Sida représentant un malade du SIDA reposant entre les bras de Jésus. Ce même Sauveur nu et désarmé sur le bois prend aussi sur lui les souffrances des malades de l’épidémie qui nous afflige aujourd’hui et veut nous associer à son œuvre.

Un jour, nous aussi nous verrons celui qui fut suspendu à la croix, nous verrons ses blessures qui nous guérissent. Avec saint John Henry Newman, disons lui dès aujourd’hui : « Souviens toi de moi, Seigneur, avec miséricorde ; ne te souviens pas de mes péchés, mais de ta propre croix . . . Souviens-toi au dernier jour que je me suis souvenu de toi durant ma vie, que j’ai ressenti tes souffrances ».
Voilà l’échange où nous sommes sauvés.