logo fond

Index de l'article

St Benoît, patron de l'Europe, homélie du P. Abbé Vladimir Gaudrat

 

Chers Frères et Sœurs,

Nous fêtons aujourd’hui Notre Père Saint Benoît comme patron de l’Europe et la liturgie de ce jour nous le présente à la fois comme un modèle dont nous pouvons nous inspirer et comme un maître spirituel qui nous délivre un enseignement où nous pouvons encore puiser. Il y a 900 ans, Saint Bernard disait déjà de lui dans l’unique sermon qu’il lui consacre : « Sa sainteté nous affermit, son offrande de lui-même nous instruit, sa justice nous encourage ». Car si saint Benoît nous inspire ce n’est pas dans le but de construire un modèle figé d’identité chrétienne même européenne, modèle dont les nombreux partisans semblent rivaliser à celui qui supprimera le mieux tout référence à l’Évangile.

Saint Benoît nous éduque en nous disant de ne rien préférer à l’amour du Christ. Nous avons entendu Pierre dire dans l’Évangile : « Voici que nous avons tout quitté pour te suivre ». Ce n’est pas comme s’il mettait une condition pour suivre le sauveur. Cette suite s’enracine dans l’appel du Christ , notre réponse et l’amour que celle-ci fait naître, amour qui est à lui même sa récompense comme le dit saint Bernard. Si le Pape Grégoire le Grand, dans les premières lignes de la vie de saint Benoît nous le montre encore enfant « mépriser d’emblée le monde avec sa fleur comme un sol aride », c’est dans la perception d’un amour plus grand qu’il nous faut comprendre ce mépris. Devant la grandeur du don de l’amour de Dieu, le monde et toute sa richesse ne sont que vanité. C’est ce que manifeste la vision qu’eu, à la fin de sa vie, le Patriarche des moines, du monde rassemblé tout entier dans un seul rayon de la lumière divine. Il faut se quitter et quitter le monde pour pouvoir en retour le servir et le respecter comme un don de Dieu. Ce n’est pas en se mettant au centre que l’homme apprend à respecter le cosmos et encore moins à se respecter lui-même. Là, juste à côté de nous, il y a cette mer si bleue et si belle, cette mer autour de laquelle s’est construite notre civilisation et où nous laissons le plastique s’accumuler et les hommes se noyer comme de simples déchets. Elle crie silencieusement pour nous sa détresse si nos voix sont muettes. Si l’homme ne s’offre pas en s’oubliant lui même comme le dit saint Bernard de Benoît, il vit de la culture du déchet dont lui même ne devient qu’un élément qu’il est possible d’éliminer lorsqu’il est vieux, handicapé ou différent.
Face à cela, il y a autre message que nous donne aujourd’hui la liturgie en nous demandant d’avoir pour nos frères une grande charité comme l’enseigne l’Écriture et la règle de saint Benoît, de pratiquer une hospitalité inconditionnelle et de faire grandir l’unité et la paix. Benoit lègue à l’Europe un idéal de communauté fraternelle. Cette année, nous pouvons faire mémoire de cette dimension de fraternité en évoquant la figure de saint Etienne Harding, troisième abbé de Cîteaux qui, il y a 900 ans en 1119, fit approuver par le Pape la première version de la Charte de Charité. Ce document donne naissance à notre Ordre comme un organisme international qui va rapidement couvrir la plus grande partie de l’Europe. Il montre par « quel pacte d’amitié, par quel mode de vie ou plutôt par quelle charité » unir les moines se trouvant dans des abbayes dispersées dans diverses régions. La fraternité et la communions que Benoît demande aux moines d’une même communauté, la Charte de Charité les propose comme modèle à des moines et des moniales vivant dans différents pays, parlant différentes langues. C’est un idéal de collaboration non de domination, d’accueil et non d’exclusion, de partage des ressources.

Qu’à l’écoute de saint Benoît, nous sachions encore vivre de cet idéal.