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Jeudi Saint, homélie du P. Abbé Vladimir Gaudrat

Chers Frères,

Sur les deux portes du tabernacle qui est dans la chapelle du saint Sacrement, on voit une représentation d’un côté du lavement des pieds et de l’autre de la dernière cène. De même sur la toile de Pinta représentant la dernière cène qu’il y a dans notre réfectoire, une cruche et un linge posé sur le sol, à gauche, attestent que le lavement des pieds a bien eu lieu. Ces deux actes du Christ dont nous faisons mémoire ensemble ce soir, sont tous les deux des signes que saint Bernard appelle encore aussi bien l’un que l’autre des sacrements.
« À l’approche de sa Passion, le Seigneur dit-il a pris soin de revêtir les siens de sa grâce. Dans ce but ont été institués tous les sacrements : la participation à l’Eucharistie, le lavement des pieds, comme aussi le baptême, premier de tous les sacrements ». Voici que cette année, la célébration du mystère pascal se passe pour la majorité des chrétiens et même en partie pour nous comme si nous étions temporairement privés de ces signes. Nous n’allons pas célébrer le lavement des pieds, ce rite si important dans la tradition cistercienne même si nous l’avons vécu comme par anticipation le mercredi des cendres en nous lavant les pieds les uns des autres. Les Chrétiens dans la plupart des pays du monde n’auront pas en ces jours la possibilité de participer à la célébration ni de la mémoire de la dernière cène, ni de la vigile pascale. Et si nous avions eu l’immense joie de célébrer un baptême l’année dernière, les catéchumènes français ont du repousser la date de leur baptême.
Je ne dis pas cela pour que nous nous lamentions mais bien au contraire pour souligner l’urgence d’aller aujourd’hui comme hier à l’essentiel, de passer du signe à la réalité. Cette réalité unique et incroyable c’est le fait que Dieu est avec nous, qu’il veut être avec tous les hommes car il est l’amour qui se donne. Il se donne à nous en nourriture. Il se donne à nous se faisant serviteur et en nous invitant à nous servir les uns les autres. Il se donne à nous dans la nudité de la croix pour pardonner tous nos péchés et prendre sur lui la souffrance du monde. Il se donne à nous dans le silence du tombeau pour que nous y déposions toutes nos peines. Il se donne à nous en ressuscitant pour une vie nouvelle qu’il nous donne en partage. Tous ces signes que nous célébrons sont les signes d’un amour sans partage et sans limite qui n’oublie aucun homme. Le sauveur célèbre son dernier repas et lave les pieds de ses disciples. Par ce don il fait d’eux non plus des serviteurs mais ses amis. Il nous invite à faire de même.
Le monastère est la maison de Dieu mais aussi bien sûr notre maison et nous le ressentons peut être plus fortement en ces jours. Et c’est dans cette maison toute entière depuis ses jardins, sa buanderie, son infirmerie jusqu’à son réfectoire qu’il vient faire sa demeure, qu’il vient se donner à nous nous invitant à nous donner à lui et à nous donner les uns aux autres. Notre célébration et en particulier celle de ce soir est sommet et source de cette vie qui est celle de l’Église mais, passant du signe à la réalité, nous sommes invités à vivre ce mystère de l’amour répandu partout ailleurs dans le quotidien à chaque instant de notre vie.
Ce soir, où nous allons chanter que là où la charité est vraie Dieu est présent, ouvrons nos cœurs au dimension du monde, ouvrons notre cœur à notre frère pour que Dieu soit avec nous, à chaque instant, non pas seulement en signe mais en réalité. Ouvrons nos cœurs à cette réalité ultime, celle du Royaume là où l’amour triomphe et où nous serons tous rassemblés.