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12ème dimanche-B, homélie de frère Marie

Jb 38, 1.8-11 ; Ps 106 ; 2 Co 5, 14-17 ; Mc 4, 35-41

Aujourd’hui Jésus nous invite à une traversée. C’est lui qui prend l’initiative. Après avoir passé la journée à enseigner depuis la barque qui le tenait un peu à distance du rivage et de la foule, il dit à ses disciples : « Passons sur l’autre rive ». Comme c’est le cas dans le récit de Marc, l’autre rive désigne une terre étrangère. C’est Jésus qui invite au départ, tout comme Dieu dit à Abraham : « Va, quitte ta patrie, va vers ce pays inconnu que je te montrerai, là sera ta bénédiction ». Ou bien comme au prophète Jonas : « Lève-toi, va à Ninive, cette terre étrangère…là-bas sera une autre bénédiction ». Dans les deux cas il s’agit bien de se trouver déplacé dans la foi : à quel Dieu ai-je à faire ? L’un à travers une inconnue, l’autre à travers la tempête de ses résistances.
Une fois Jésus dans nos vies, dans notre barque, il nous dit de même : Allons, déplaçons-nous en terre étrangère, c’est ainsi que tu me connaîtras. Nous nous accrochons à ce que nous connaissons, à ce qui nous rassure, fusse avec peine. Jésus ne se laisse pas enfermer dans nos vues et c’est pour notre bien, c’est pour notre bénédiction.
Au centre de notre récit ce n’est pas tant de la tempête en elle-même qu’il s’agit que de la relation entre le Christ et ses disciples, entre lui et nous. Cette tempête qui survient met cette relation à l’épreuve.
L’enchevêtrement des vagues et du vent évoque une confusion, un chaos qui s’installe, à l’image de nos confusions, quand les situations, les évènements ou les doutes risquent de vider notre existence de son sens, où rien ne va plus de soi, quand notre foi s’en trouve troublée.
Et Jésus dort, apparemment confortablement installé, autant qu’on peut l’être dans une barque de pécheur. Nous pourrions épiloguer sur ce sommeil de Jésus : est-ce une indifférence à la situation, laissant les autres se débrouiller seuls, sans lui ? Sentiment d’indifférence que nous pouvons ressentir lorsqu’on tourne en rond dans nos problèmes : Ça ne te fait rien ?
Nous pourrions épiloguer sur un sentiment d’abandon : Qu’ai-je fait pour que tu me laisse ainsi ?
La concision de l’évangéliste Marc nous suggère autre chose : au cœur du chaos qui agite la nature et la tête des disciples, Jésus dormant évoque la paix, cette paix de Dieu devant l’assurance de son œuvre comme au matin du monde Dieu se reposa pour contempler la bonté et la beauté de son œuvre. Les disciples reprochent à Jésus cette paix. Leurs cris n’est pas vraiment une prière, elle est un reproche, une remontrance : Nous sommes entrain de sauver la situation et toi tu n’es pas avec nous ! » reproche qui ne nous est pas étranger.
Jésus qui est installé à la place du timonier ne prend cependant pas la rame ou le gouvernail, Jésus ne dirige pas notre vie, mais il prend la parole. C’est sa parole qui remet toute chose en ordre, qui dirige toute chose vers la paix, la paix profonde de la vie qu’il nous donne, car sa parole est vie, elle ouvre à sa présence et sa grâce. Cette vie est victoire sur le chaos, victoire sur la mort même. Cette Vie il nous la donne par amour pour nous après avoir vaincue la tempête de la haine et de la mort qui ont déferlé sur lui.
Notre crainte c’est que nous ne voyons pas Jésus comme nous le désirerions, nous le voyons qu’à travers sa parole, et à travers ce que cette parole opère en nous, personnellement et collectivement. Dans cet approfondissement de la foi, qui nous fait avancer en terre inconnue, forts de sa présence, là se trouve notre bénédiction.