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1er dimanche de Carême, homélie du P. Abbé Vladimir Gaudrat

 

Chers Frères et Sœurs,

Dans l’Esprit, Jésus est conduit au désert. Il récapitule ainsi en lui toute l’histoire d’Israël conduit au désert par Dieu et par le peuple élu toute celle de l’humanité. Rempli d’Esprit Saint, il quitte les bords du Jourdain pour être tenté par le diable. Il fait ainsi le parcours inverse de celui de Jean Baptiste qui quitte le désert pour aller baptiser au Jourdain. Et au désert où la Parole de Dieu fut adressée à Jean, c’est celle du diable que Jésus entend. Mais le désert n’est pas que cela pour Jésus. La solitude est aussi le lieu de l’intimité de Jésus avec son Père lorsqu’il se retire la nuit pour prier. Il y a une ambivalence du désert que les premiers moines soulignaient aussi. Et cela ne doit ni sous surprendre, ni nous sembler contradictoire. Dans le désert, comme lieu où ne restent plus que les choses essentielles, il n’y a plus que deux voix qui ont de l’importance, celle de l’ami des hommes et celle de l’adversaire quelle que soit la manière dont elles nous parviennent. Car nous aussi, nous sommes conduits au désert que ce soit comme en sacrement par l’Église en ce temps de carême où lorsque la vie par ses épreuves qui en sont une part inévitable nous met dans une solitude où ne reste que l’essentiel. Il nous faut alors choisir quelle voix écouter et c’est ce qu’on appelle la tentation. Elle fait partie de nos vies, elle n’est pas une anomalie ni le signe d’une erreur.

Au bout de quarante jours, Jésus eut faim et c’est alors qu’il fut tenté par la Parole. N’allons pas croire que la tentation du Sauveur puisse se superposer aux nôtres de manière adéquate, qu’elle ne soit qu’un guide pour nous apprendre comment bien nous comporter comme l’ont dit certains pères de l’Église. Il est vrai que nous expérimentons tous en nous même ce que peuvent être la faim des biens matériels, la vanité et la soif de pouvoir et les connivences que nous pouvons avoir avec ces passions qui nous tentent. L’actualité nous montre d’ailleurs comme elles ravagent l’Église aujourd’hui, celle dont nous sommes les membres. C’est parce que les hommes d’Église n’écoutent pas toujours la voix de l’ami des hommes mais aussi celle de l’adversaire qu’il y a tant de pourriture dans l’Eglise et que nous devons prier pour elle non avec l’orgueil de ceux qui se croient justes mais dans l’humilité de ceux qui savent qu’ils sont aussi tentés. Au désert, Jésus est tenté de manière beaucoup plus radicale de prendre ses distances par rapport au Père en attribuant au diable une puissance qui n’appartient qu’à Dieu ou en étant poussé à se servir de celle-ci dans son propre intérêt. En refusant d’écouter la voix de l’adversaire, il fait ce que décrit si bien la lettre aux Philippiens, il s’anéantit en refusant toute possession et toute maitrise, en acceptant le manque et la faiblesse et en choisissant de dépendre entièrement du Père. Dieu s’est fait homme pour prendre et nous montrer la voie de la croix et c’est sur cette voie que la voix du diable vient se dresser comme un obstacle dès le désert. Et c’est encore pour essayer de barrer la voie de la Croix que le diable reviendra au moment fixé comme nous le dit la fin de notre évangile.

Chers Frères et Sœurs,
Cet Évangile n’est pas une leçon de morale mais de théologie mystique. À la suite du Christ, c’est par le sacrement de la Croix que nous fermons nos oreilles à la voix du diable pour les ouvrir à celle du Père plein de miséricorde. Nous devenons pleinement chrétiens et humains en acceptant de ne rien posséder, ni le pain, ni les royaumes de la terre et leur gloire, ni notre vie, ni notre mort. Que ce temps de carême soit pour nous le temps de redécouvrir que dans notre vie comme dans notre mort, nous appartenons au Seigneur.