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Fête de Saint Honorat, homélie du P. Abbé Vladimir Gaudrat

Chers Frères et Sœurs,

Si l’on veut parler de saint Honorat, lui qui fut l’instigateur de la vie monastique sur cette île que nous disons nôtre à cause de lui, il faut bien reconnaître que bien des aspects de sa vie et de celle de la communauté qu’il a fondée nous échappent. Hilaire d’Arles, Fauste de Riez et les autres auteurs qui l’ont connu et ont écrit sur lui, ont avant tout voulu faire de lui et de sa communauté un portrait spirituel s’inspirant des Écritures plutôt que nous raconter une succession d’évènements. Ce portrait, nous le retrouvons aussi dans les passages de l’Écriture que la célébration eucharistique et la liturgie des heures nous fait entendre et méditer en ce jour reprenant souvent les textes cités par ces homélies que nous appelons des vies. Tout cela est écrit pour notre instruction, pour notre formation. Nous n’avons pas à faire une reconstitution d’un passé qui par bien des aspects nous échappe mais à nous laisser transformer aujourd’hui par ces mêmes textes pour construire notre vie monastique dans le présent. C’est ce qu’ont fait les générations de moines qui se sont succédés sur cette île commentant et écrivant de nouvelles versions de la vie d’Honorat et du monachisme qu’il a fondé et de tout ce parcours historique nous sommes les héritiers non les conservateurs.

Avec Abraham au livre de la Genèse, il nous faut aimer la condition d’étranger et donc le renoncement qui permet de poursuivre la senteur des parfums du Christ, nous inspirant d’Honorat qui avec son frère Venance quitta son pays, sa maison et sa famille. Ils se montrèrent alors dans un même exemple avec lui de vrais fils d’Abraham.

Avec Moïse au livre de l’Exode, il nous faut rechercher le cheminement au désert qui permet d’établir le camp de Dieu, lieu de la communion avec le Christ, lieu dont il est dit : « Heureux les habitants de ta maison, ils pourront te chanter encore ». «En compagnie de Caprais, Honorat a introduit dans ce désert la gloire du Christ et, tel Moïse en compagnie d’Aaron, il a établi un camp pour tous ceux qui sont destinés à marcher vers la terre promise »nous dit Fauste de Riez. Puissions nous continuer à faire de ce désert un paradis, lieu de la familiarité avec Dieu veillant à chasser d’elle les serpents de la discorde et de la dispersion. Pour cela il nous faut être vigilants, sans cesse, comme le Seigneur nous y invite dans l’Évangile et comme nous en trouvons tant d’exemples dans le portrait spirituel d’Honorat lui dont le cœur était totalement attaché au Christ, lui qui murmurait son nom dans son sommeil, lui qui n’eut jamais que le Sauveur dans son cœur et sur les lèvres la paix, la chasteté, la piété et la charité.

« Que demeure entre l’amour fraternel » comme nous y invite la lettre aux hébreux et le témoignage d’Honorat. Même s’il y eut sur cette île pendant un court intervalle de temps quelques moines vivant dans des cellules séparées, Honorat n’est en rien un ermite contrarié par des disciples venant le rejoindre et le faisant sortir de sa solitude. Toute sa vie il eut le souci des autres, de ses frères de toutes origines, des hôtes et des pauvres. Pour lui, la vie monastique sur le désert qu’est cette île est la vie commune et nous pourrions dire dans un paradoxe que le désert n’est jamais solitaire. L’éducation à la vie monastique est une éducation à la vie commune et donc une éducation au pardon. Hilaire nous montre dans ce passage magnifique Honorat éduquant au pardon : « Sans cesse il se souciait de rendre léger le joug du Christ. Il est grave que celui-ci ait fait injure mais il n’est pas moins grave que celui-là l’ait ressentie. Il faut s’appliquer sans relâche à obtenir le pardon de l’offense, et que l’un considère l’affront qu’il a subi comme peu de choses ou rie, mais que l’autre déplore de l’avoir si gravement outragé ».

Chers Frères et Sœurs

Soyons de cette manière héritiers d’Honorat pour que même nos faiblesses soient des occasions de progrès spirituel dans la communauté et que le visage du Christ miséricordieux soit perceptible par tous.